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LETTRES FAMILIÈRES.


de l'espionnage politique et le ridicule de cette prétendue découverte ; elle n’a pas manqué de relever que vous aviez vécu parmi nous pendant toute la guerre, sans avoir jamais donné lieu de vous soupçonner, et qu’il n’y a nulle occasion de le faire dans le temps où nous sommes en pleine paix avec les pays auxquels vous tenez. Une conjecture jetée eu passant à l’occasion de votre voyage à Vienne, et de vos engagements en Flandre, a pu aisément prendre corps en passant d’une bouche à l’autre ; et la malignité en a sans doute profilé. Ce qui m’a le plus scandalisé en tout cela est la conduite de quelques-uns de vos confrères. Mais, mon cher Abbé, il y a des petits esprits et des âmes viles partout, même parmi les gens de lettres, même dans les sociétés littéraires. Mais enfin vous ne devez votre place qu’à vos succès.

Au reste, puisque vous voilà en repos, profitez de voire loisir pour mettre vos dissertations en état de paroître [1], ainsi que votre Histoire de Clément V, que nous attendons toujours à Bordeaux avec empressement. Le plaisir de chanter au chœur ne doit pas vous faire perdre le goût des plaisirs littéraires.

Quelques mois d’absence feront tomber tous les bruits ridicules, et vous serez à Paris aussi bien que vous y étiez avant cette tracasserie de femmelette. Je vous somme de votre parole pour le voyage de la Brède après votre résidence ; je calcule que ce sera pour le mois d’août. Votre départ me laisse un grand vide ; et je sens combien vous

  1. Ce conseil a été suivi peut-être trop à la lettre, car au lieu de faire imprimer ce recueil à son retour à Paris, il s’est pressé de le livrer à un imprimeur à Tournay, que l'on diroit n’avoir jamais imprimé d’autres livres que des catéchismes et des almanachs, car cette édition se ressent fort de l’ignorance du pays ; elle est en deux volumes in-8° ; l’absence de l'auteur l’empêcha d’y veiller. (GUASCO.)