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DISCOURS

porter un jugement plus sûr ; et, bien différents des autres juges toujours alarmés dans les affaires problématiques, vous trouviez de la satisfaction dans le péril même de vous tromper.

Nous allons en peu de mots donner une idée des dissertations qui nous ont été envoyées, même de celles qui ne sont point entrées en concours ; et si elles ne peuvent pas plaire par elles-mêmes, peut-être plairont-elles par leur diversité.

Un de ces auteurs, péripatéticien sans le savoir, a cru trouver la cause de la pesanteur dans l’absence même de l’étendue. Les corps, selon lui, sont déterminés à s’approcher du centre commun, à cause de la continuité qui ne souffre point d’intervalle. Mais qui ne voit que ce principe intérieur de pesanteur qu’on admet ici ne sauroit suivre de l’étendue considérée comme telle, et qu’il faut nécessairement avoir recours à une cause étrangère ?

Un chimiste ou un rose-croix, croyant trouver dans son mercure tous les principes des qualités des corps, les odeurs, les saveurs et autres, y a vu jusqu’à la pesanteur. Ce que je dis ici compose toute sa dissertation, à l’obscurité près.

Dans le troisième ouvrage, l’auteur, qui affecte l’ordre d’un géomètre, ne l’est point. Après avoir posé pour principe la réaction des tourbillons, il abandonne aussitôt cette idée pour suivre absolument le système de Descartes. Ce n’est que ce même système rendu moins probable qu’il ne l’étoit déjà. Il passe les grandes objections que M. Huygens a proposées, et s’amuse à des choses inutiles et étrangères à son sujet. On voit bien que c’est un homme qui a manqué le chemin, qui erre, et porte ses pas vers le premier objet qui se présente.