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LETTRES FAMILIÈRES.


sion se présente, vous ferez ma cour à Son Altesse Royale. Si vous écrivez à M. le comte de Gobentzel à Bruxelles, je vous prie de le remercier pour moi, et marquez-lui combien je me sens honoré par le jugement qu’il porte sur ce qui me regarde. Quand il y aura des ministres comme lui, on pourra espérer que le goût des lettres se ranimera dans les États autrichiens, et alors vous n’entendrez plus de ces propositions erronées et mal sonnantes [1] qui vous ont scandalisé.

Je crois bien que je serai à Paris dans le temps que vous y viendrez. J’écrirai à Madame la duchesse d’Aiguillon combien vous êtes sensible à son oubli ; mais, mon cher abbé, les dames ne se souviennent pas de tous les chevaliers ; il faut qu’ils soient paladins. Au reste, je voudrois bien vous tenir huit jours à la Brède à votre retour de Rome ; nous parlerions de la belle Italie et de la forte Allemagne.

Voilà donc Voltaire qui paroit ne savoir où reposer sa tête [2] : Ut eadem tellus, quæ modo victori defuerat, deesset ad sepulturam. Le bon esprit vaut mieux que le bel esprit.

A l’égard de M. le duc de Nivernois, ayez la bonté de lui faire ma cour, quand vous le verrez à Rome, et je ne crois pas que vous ayez besoin d’une lettre particulière

  1. Cet ami lui avoit mandé qu’il avoit été fort choqué de deux propositions qu’il avoit entendues. La première étoit, qu’à l’occasion d’un ouvrage qu’il avoit fait imprimer, un seigneur lui dit qu’il ne convenoit point à un homme de condition de se donner pour auteur. La seconde étoit d’un militaire du premier rang, dite à son frère à propos des lectures assidues qu’il faisoit des livres du métier : « Les livres, lui fut-il dit, servent peu pour la guerre ; je n’en ai jamais lu, et je ne suis pas moins parvenu aux premiers gardes. » (G.)
  2. Ceci a rapport à son départ de Berlin et à sa fâcheuse aventure de Francfort. (G.)