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LETTRES FAMILIÈRES.



LETTRE CXXXIV.


A M. L’ABBÉ COMTE DE GUASCO


A VÉRONE.


Mon cher ami, vos titres se multiplient tellement que je ne puis plus les retenir ; voyons... comte de Clavières, chanoine de Tournai, chevalier d’une croix impériale [1], membre de l’Académie des inscriptions, de celle de Londres, de Berlin et de tant d’autres, jusqu’à celle de Bordeaux ; vous méritez bien tous ces honneurs, et bien d’autres encore.

Je suis bien aise que vous ayez eu du succès dans la négociation pour votre chapitre [2]. Il est heureux de vous avoir, et fait bien de vous députer à la cour pour ses

  1. L’Impératrice venoit d’accorder [à la sollicitation de l'abbé de Guasco] une croix de distinction, portant l’aigle impériale, avec le chiffre du nom de Marie-Thérèse, au chapitre de Tournai, le plus ancien des Pays-Bas, et le seul où l’on entre, faisant preuves de noblesse. (GUASCO.)
  2. En vertu d’une bulle de Martin V, ce chapitre, comme plusieurs autres d’Allemagne, doit être composé de deux classes de chanoines : de nobles et de gradués. Des gens intéressés à tenir ce corps dans leur dépendance, faisoient fréquemment des brèches à la maxime établie, pour y faire entrer de leurs créatures, propres à seconder leurs vues ; c’est pour obvier aux suites des altérations faites contre l’esprit de sa constitution, que ce chapitre chargea ce député d’obtenir un diplôme de S. M. l'impératrice, qui arrêta le cours de cet abus en fixant d’un côté les degrés de noblesse qu'on doit prouver pour être reçu dans la classe des nobles, et prescrivant de l’autre qu’il ne suffiroit pas que les licenciés et docteurs eussent une patente de ces grades, qu’on achetoit souvent, mais qu’ils ne seroient considérés pour tels qu’après avoir fait un cours d’étude en règle pendant cinq ans à l’université de Louvain, disposition également utile à l’encouragement des études de cette université, et au chapitre, qui en ressent déjà les effets salutaires, par le nombre de sujets distingués, qui s’y accroît tous les jours depuis. (G.)