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LETTRES FAMILIÈRES.


rendons justice en France, et que vous y avez des amis. Ce seroit une ingratitude à vous d’y renoncer pour un peu de faveur de Cour : permettez-moi de me reposer à cet égard sur la maxime qu’on n’est pas prophète dans sa patrie.

J’ai eu ici mylord Hyde [1], qui est allé de Paris à Véret [2] chez notre duchesse, de là à Richelieu chez M. le maréchal, de là à Bordeaux et à la Brède, de là à Aiguillon, où M. le duc a mandé qu’on lui fît les honneurs de son château ; de sorte qu’il trouve partout les empressements qui sont dus à sa naissance, et ceux qui sont dus à son mérite personnel ; mylord Hyde vous aime beaucoup, et auroit bien voulu aussi vous trouver à la Brède.

Vous avez touché la vanité qui se réveille dans mon cœur dans l’endroit le plus sensible, lorsque vous m’avez dit que S. A. R. avoit la bonté de se ressouvenir de moi : présentez, je vous prie, mes adorations à ce grand prince ; ses vertus et ses belles qualités forment pour moi un spectacle bien agréable. Aujourd’hui l’Europe est si mêlée, et il y a une telle communication de ses parties, qu’il est vrai de dire que celui qui fait la félicité de l’une fait encore la félicité de l’autre ; de sorte que le bonheur va de proche en proche ; et quand je fais des châteaux en Espagne, il me semble toujours qu’il m’arrivera de pouvoir encore aller faire ma cour à votre aimable prince. Dites au marquis de Breil et à M. le grand prieur [3] que, tant que je vivrai, je serai à eux : la première idée qui me vint, lorsque je les

  1. Ou de Cornbury, dernier descendant du célèbre chancelier Hyde, fort aimé en France, où il demeuroit depuis quelques années, et où il mourut de consomption, très-regretté de tous ceux qui connoissoient son excellent caractère et son esprit. (GUASCO.)
  2. Véretz près Tours, résidence de la duchesse d’Aiguillon.
  3. Le grand prieur du Solar.