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DISCOURS

Les premiers qui en ont parlé les ont faites d’une condition bien subalterne ; et sans leur vouloir permettre aucun rôle dans l’économie animale, ils ont cru qu’elles ne servoient qu’à appuyer différentes parties circonvoisines : les uns ont pensé qu’elles avoient été mises là pour soutenir le ventricule, qui auroit trop porté sur les émulgentes ; d’autres, pour affermir le plexus nerveux qui les touche : préjugés échappés des anciens, qui ignoroient l’usage des glandes.

Car, si elles ne servoient qu’à cet usage, à quoi bon cette structure admirable dont elles sont formées ? ne sufliroit-il pas qu’elles fussent comme une espèce de masse informe, Rudis indigestaque moles[1] ? Seroit-ce comme dans l’architecture, où l’art enrichit les pilastres mêmes et les colonnes ?

Gaspar Bartholin est le premier qui, leur ôtant une fonction si basse, les a rendues plus dignes de l’attention des savants. Il croit qu’une humeur, qu’il appelle atrabile, est conservée dans leurs cavités : pensée affligeante, qui met dans nous-mêmes un principe de mélancolie, et semble faire des chagrins et de la tristesse une maladie habituelle de l’homme. Il croit qu’il y a une communication de ces capsules aux reins, auxquels cette humeur atrabilaire sert pour le délaiement des urines. Mais, comme il ne montra pas cette communication, on ne l’en crut point sur sa parole : on jugea qu’il ne suffisoit pas d’en démontrer l’utilité, il falloit en prouver l’existence ; et que ce n’étoit pas assez de l’annoncer, il falloit encore la faire voir. Il eut un fils illustre qui, travaillant pour la gloire de sa famille, voulut soutenir un système que son père avoit plutôt jeté qu’é-

  1. Ovid. Metam., I, v. 7.