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LETTRES FAMILIÈRES.


ses amis dans Rome ! Je vous dirai que le marquis de Breil s’est souvenu de moi ; il s’est trouvé à Nice avec M. de Sérilly : ils m’ont écrit tous deux une lettre charmante. Jugez quel plaisir j’ai eu de recevoir les marques d’amitié d’un homme que vous savez que j’adore. Je lui mande que si j’habitois le Rhône comme la Garonne, j’aurois été le voir à Nice. Je ne suis pas surpris de voir que vous aimiez Rome ; et si j’avois des yeux, j’aimerois autant habiter Rome que Paris. Mais comme Rome est toute extérieure, on sent continuellement des privations, lorsqu’on n’a pas des yeux.

Le départ de M. de Mirepoix et de M. le duc de Richemont est retardé. On a dit à Paris, que cela venoit de ce que le roi d’Angleterre ne vouloit pas envoyer un homme titré, si on ne lui en envoyoit un. Ce n’est pas cela. La haute naissance de M. de Mirepoix le dispense du titre [1] ; et le feu empereur Charles VI, qui avoit pour ambassadeur M. le prince de Lichtenstein, n’eut point cette délicatesse sur M. de Mirepoix. La vraie raison est que le duc de Richemont n’est pas content de l’argent qu’on veut lui donner pour son ambassade ; de plus la duchesse de Richemont est malade, et le duc, qui l’adore, ne voudroit pas la quitter, et passer la mer sans elle.

Nos négociants disent ici que les négociations entre l’Espagne et l’Angleterre vont fort mal ; on n’est pas même convenu du point principal qui occasionna la guerre ; je veux dire, la manière de commercer en Amérique, et les 90,000 livres sterling pour le dédommagement des prises faites. De plus, on dit qu’en Espagne, on fait aux vaisseaux

  1. Il étoit alors marquis, et fut fait duc et pair après son ambassade d’Angleterre. (GUASCO.)