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LETTRES FAMILIÈRES.


Dites à l’abbé Venuti que j’ai parlé à l’abbé de Saint-Cyr, et qu’il fera une nouvelle tentative auprès de M. l’évêque de Mirepoix. Je n’ai jamais vu un homme qui fasse tant de cas de ceux qui administrent la religion, et si peu de ceux qui la prouvent [1].

M. Lomellini m’a conté comme, pendant votre séjour en Languedoc, vous étiez devenu citoyen de Saint-Marin [2] et un des plus illustres sénateurs de cette république : je m’en suis beaucoup diverti. Ce n’est pas cette qualité, sans doute, qui donnoit envie au maréchal de Belle-Isle de vous avoir sur les bords du Var. C’est qu’il vous savoit bien d’un autre pays, et je crois que vous avez bien fait de ne point accepter son invitation. Dieu sait comment on auroit interprété ce voyage dans votre pays.

Je souhaite ardemment de vous trouver de retour à Bordeaux quand j’y arriverai ; d’autant plus que je veux que vous me disiez votre avis sur quelque chose qui me regarde personnellement. Mon fils ne veut point de la charge de président à mortier, que je comptois lui donner. Il ne me reste donc que de la vendre, ou de la reprendre moi-même. C’est sur cette alternative que nous conférerons avant que je me décide ; vous me direz ce que vous pensez, après que je vous aurai expliqué le pour et le contre des

  1. Ceci a rapport à la traduction italienne du poëme de la religion (par l’abbé Venuti), dont nous avons parlé dans une note précedente. (GUASCO.)
  2. Plaisanterie fondée sur ce que ce voyageur étant arrivé on Languedoc précisément dans le temps que les Autrichiens et les Piémontois avoient passé le Var, à la question que quelqu’un lui fit de quelle partie d’Italie il étoit, répondit en plaisantant : « De la république de Saint-Marin, qui n’a rien à démêler avec les puissances belligérantes. » Cette réponse avoit été prise au sérieux par quelques personnes conjecturant bonnement qu’il étoit venu sans doute en France pour négocier en faveur des intérêts de la république. (G.)