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LETTRES FAMILIÈRES.


ceux qui avoicnt gagné un prix, de croire qu’on les recevroit d’abord à l’académie. Je ne sais pas s’il n’auroit pas quelqu’autre en vue. Je parlai le même jour à M. Duclos, qui me paroît d’assez bonne volonté ; mais c’est un des derniers. Or, vous ne pouvez avoir M. de Maurepas, que par la duchesse d’Aiguillon, votre muse favorite [1]. Vous savez que je suis brouillé avec M. Frérel ; vous ferez donc bien d’écrire à madame d’Aiguillon ; si je le lui propose, il est sûr et très-sûr qu’elle n’en fera rien ; mais si vous écrivez, elle m’en parlera, et je lui dirai des choses qui pourront l’engager. Si vous gagnez encore un prix, cela applanira les difficultés. Le père Desmolets m’a dit que vous travailliez ; moi je travaille de mon côté, mais mon travail s’appesantit.

Le chevalier Caldwel m’a écrit que vous étiez tenté d’aller avec lui en Égypte ; je lui ai mandé que c’étoit pour aller voir vos confrères les Momies. Son aventure de Toulouse est bien risible [2] ; il paroît que dans cette ville-là

  1. C’est à elle qu’il avoit dédié la traduction des Satires russes du prince Cantimir sous le nom de Mad. ***, parce qu’elle étoit fort lice avec le prince Cantimir, et que c’est à sa réquisition que l’on avait fait la traduction frauçoise de ses satires. (G.)
  2. Le chevalier Caldwel, Irlandois, s’étant arrêté à Toulouse, s’amusoit à aller prendre dos petits oiseaux hors de la ville. Comme on le voyoit sortir tous les matins de honne heure, et rôder autour de la ville avec un petit garçon, tenant souvent du papier et un crayon en main, les Capitouls soupçonnèrent qu’il pourroit bien s’occuper à en lever le plan, dans un temps où l’on étoit en guerre avec l’Angleterre. On l’arrêta en conséquence ; et comme, en fouillant dans ses poches, on lui trouva un dessin, qui étoit celui de la machine avec laquelle il apprenoit à prendre les oiseaux, et plusieurs cartes avec un catalogue de mots qui étoient les noms des oiseaux qu’on n’entendoit pas parce qu’ils étoient écrits en anglois, on ne douta pas que tout cela n’eût rapport à l’entreprise supposée, et on le mit aux arrêts, jusqu’à ce qu’il eût fait connoitre son innocence, la bêtise du soupçon, et jusqu’à ce que quelqu’un eût répondu de lui. Nota, que Toulouse n’est point fortifiée. (G.)