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LETTRES FAMILIÈRES.

Il faut à présent que vous acheviez votre ouvrage, et que vous me marquiez ce que je dois faire en cette occasion, à qui et comment il faut que j’aie l’honneur d’écrire, et comment il faut que je fasse mes remerciements. Conduisez-moi, et je serai bien conduit. Si vous pouvez dans quelques conversations parler au roi [1] de ma reconnoissance et que cela soit à propos, je vous prie de le faire. Je ne puis offrir à ce grand prince que de l’admiration, et en cela même je n’ai rien qui puisse presque me distinguer des autres hommes.

Je suis bien fâché de voir par votre lettre que vous n’êtes pas encore consolé de la mort de monsieur votre père [2] j’en suis vivement touché moi-même ; c’est une raison du moins pour nous pour espérer de vous revoir.

Pour moi, je ne sais si c’est une chose que je dois à mon être physique ou à mon être moral, mais mon âme se prend à tout. Je me trouvois heureux dans mes terres, où je ne voyois que des arbres ; et je me trouve heureux à Paris, au milieu de ce nombre d’hommes qui égalent les sables de la mer ; je ne demande autre chose à la terre que de continuer à tourner sur son centre ; je ne voudrois pourtant pas faire avec elle d’aussi petits cercles que ceux que vous faisiez quand vous étiez à Tornéo.

Adieu, mon cher et illustre ami, je vous embrasse un million de fois.


Paris, 25 novembre 1740.
  1. Frédéric II.
  2. Étienne-René Moreau de Maupertuis, député du commerce de Saint-Malo, mort à Paris en 1745. (RAVENEL.)
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