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LETTRES FAMILIÈRES.

j’ai fait vos compliments me chargent de vous témoigner aussi leur sensibilité et leur reconnoissance. Je suis fâché de ne pouvoir satisfaire votre curiosité touchant les ouvrages de notre amie. C’est un secret[1] que j’ai promis de ne point révéler.

La confiance dont vous m’honorez exige que je vous parle à cœur ouvert sur ce qui fait le sujet intéressant de votre lettre. Je ne dois point vous cacher que je l’ai communiquée à M. le commandeur de Solar, qui est de vos amis, et nous nous sommes trouvés d’accord, que les offres que vous fait M. de Belle-Isle pour vous attacher, vous et M. votre frère[2], au service de France, ne sont point acceptables. Après tout le bien que les lettres de M. de la Chétardie[3] lui ont dit de vous, il est inconcevable qu’il ait pu se flatter de vous retenir en vous proposant des grades au-dessous de ceux que vous avez. Je ne sais sur quoi ils fondent que l’on ne considère pas tout à fait en France les grades du service étranger comme ceux de nos troupes. Cette maxime ne seroit ni juste ni obligeante, et nous priveroit de fort bons officiers. Je pense que vous avez très-bien fait de ne point vous engager dans son expédition, avant que d’avoir de bonnes assurances de la Cour sur les conditions qui vous conviennent ; mais puisqu’il paroît que vous êtes déjà décidé pour le refus, il est inutile de vous présenter ici d’autres réflexions.

  1. Le jour de la mort de Mme de Tencin, en sortant de son antichambre il dit au frère du comte de Guasco, qui étoit avec lui : « A présent vous pouvez mander à M. votre frère, que Mme de Tencin est l’auteur du Comte de Comminges, et du Siège de Calais, ouvrages qui ont été crus jusqu’ici de M. de l’ont de Vesle, son neveu. Je crois qu’il n’y a que M. de Fontenelle et moi qui sachions ce secret. » (G.)
  2. Actuellement lieutenant général, et ci-devant commandant de Dresde pendant la dernière guerre. (G.)
  3. Ambassadeur de France à la cour de Russie ; mort en 1758.