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LETTRES FAMILIÈRES.


LETTRE XXXII[1].


A M. L’ABBÉ VENUTI, ABBÉ DE CLÉRAC,


A CLÉRAC.


Je n’ai que le temps de vous écrire un mot, monsieur. Quelques-uns de vos amis m’ont demandé de parler à madame de Tencin sur des lettres qu’on écrit contre vous[2]. Comme je ne sais rien de tout ceci, et ignore si ce sont les premières lettres ou de nouvelles, je vous prie de m’éclaircir sur ce que je dois dire au Cardinal qui va arriver, et de croire que personne ne prend plus la liberté de vous aimer, ni d’être avec plus de respect, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

De Paris, le 17 avril 1742.
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  1. Le texte a été revu sur l’original qui faisait partie de la collection de M. Rathery, conservateur de la Bibliothèque nationale.
  2. A peine M. l’abbé Venuti eut-il pris l’administration de l’abbaye de Clérac, qu’il s’éleva à Rome un parti contre lui dans le Chapitre qui l’avoit envoyé, travaillant à le faire rappeler, et se servant, pour cet effet, du canal de M. le cardinal de Tencin, pour le desservir. Le principal grief qu’on avoit contre lui étoit que les remises des revenus de l’abbaye n’étoient pas assez abondantes : faute qu’on mettoit sur son compte, et qui provenoit des grosses décimes dont l’abbaye étoit surchargée, des frais de réparation et de procès auxquels une partie des revenus devoit être employée. Outre ces raisons, il n’étoit pas regardé de bon œil par les missionnaires jésuites, chargés dès le temps de Henri IV de prêcher toutes les fêtes et dimanches dans l’église abbatiale de cette ville, qui, malgré cela, a continué d’être presque entièrement habitée par des protestants, sans qu’on puisse citer d’exemple de la conversion d’un seul huguenot. (Guasco.)