Je vous écris, mon cher confrère, aujourd’hui vendredi, parce que demain matin je dois aller à la campagne pour tout le jour. J’écrivis à M. de Vésis par l’extraordinaire de mercredi, et lui demandai excuse d’avoir laissé passer deux courriers sans lui écrire. Ayant appris que le duc[1] étoit arrivé dès le matin de la campagne, et retournoit le soir, j’y allai à une heure, comptant bien qu’il me prieroit à diner, et je comptais que dans tout le temps que nous serions ensemble, il ne pourroit guère s’empêcher de me parler de l’affaire de l’Académie ; mais il m’en garda entièrement le secret.
Après diner, je passai chez Bernard, qui me dit qu’il avoit parlé de l’affaire à M. le Duc, qui lui avoit dit qu’il voyoit que le motif de l’Académie en lui demandant le droit de réversion étoit de faire un emprunt par elle ou par nous ; que, cet emprunt fait, il arriveroit qu’on laisseroit arrérager les intérêts ; qu’il arriveroit de là infailliblement qu’on feroit quelque jour décréter la maison contre son intention qui avoit été que cette maison fût pour jamais à l’Académie ; mais que si on pouvait lui fournir un expédient qui obviât à cette difficulté, il s’y prêteroit.
J’eus un beau champ pour battre M. Bernard, et je le
- ↑ Le duc de La Force, protecteur de l’académie de Bordeaux. V. sup. son éloge fait par Montesquieu.