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POÉSIES.


Mais ces yeux d’étrange nature
L’ont si doucement retenu,
Qu’il ne s’est depuis souvenu
Du ciel, des dieux, ni de l’injure.


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MADRIGAL[1]

A DEUX SŒURS QUI LUI DEMANDAIENT UNE CHANSON.


Vous êtes belle, et votre sœur est belle ;
Si j’eusse été Pâris, mon choix eût été doux :
La pomme aurait été pour vous,
Mais mon cœur eût été pour elle.

  1. On sait l’antipathie de Buffon, de Duclos et de Montesquieu pour la poésie. Quand ils voulaient faire l’éloge d’un ouvrage, ils disaient ordinairement : C’est beau comme de la prose. Une dame sollicitait depuis longtemps l’auteur de l’Esprit des lois de lui faire des vers. Montesquieu, pour la satisfaire, chargea son secrétaire de ce travail ; celui-ci, qui n’était rien moins que poëte, trouva plus facile de copier une pièce de poésie, à laquelle il fit les changements qu’exigeait la circonstance, et la remit à Montesquieu, qui se borna à lui ordonner de la mettre au net, et donna ces vers à la dame à laquelle il les destinait, et qui s’empressa de s’en faire honneur. Laharpe racontait cette anecdote à ses élèves et à ses nombreux amphitryons. Il montrait le vieux recueil dans lequel il avait découvert la pièce originale. Ce plagiat, dont Montesquieu aurait été complice sans le savoir, n’est remarquable que par sa singularité. (Édition Dalibon, Paris, 1837.)

    L’histoire est au moins douteuse. Montesquieu est un poëte médiocre, mais il était certes en état de faire le madrigal insignifiant qu’on lui dispute, madrigal adressé, suivant toute apparence, à Mme  de Mirepoix et à Mme  de Boufflers, durant les badinages poétiques de Lunéville. Voici deux autres madrigaux qu’on lui attribue, et qui ne valent ni plus ni moins que le premier.

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