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NOTES

clergé avaient autrefois le bien, ils l’ont perdu de deux manières : 1º par l’augmentation des livres au marc (le marc de trois livres, sous saint Louis, étant peu à peu parvenu à 49, où il est à présent) ; 2º par la découverte des Indes[1], qui a rendu l’argent très-commun, ce qui fait que les rentes des seigneurs, étant presque toutes en argent, ont péri. Le roi a surchargé les communes à proportion de ce que les seigneurs ont perdu sur elles ; et le roi est parvenu à être un prince redoutable à ses voisins, avec une noblesse qui n’avait plus d’autres ressources que de servir, et des roturiers qu’il a fait payer à sa fantaisie : les Anglais sont la cause de notre servitude.

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Il y a dans cet ouvrage[2] un défaut qui me semble celui du génie de la nation pour laquelle il a été fait, qui est moins occupée de sa prospérité que de son envie de la prospérité des autres ; ce qui est son esprit dominant, comme toutes les lois d’Angleterre sur le commerce et la navigation le font assez voir.

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Je ne sais pas ce qui arrivera de tant d’habitants que l’on envoie d’Europe et d’Afrique dans les Indes occidentales ; mais je crois que si quelque nation est abandonnée de ses colonies, cela commencera par la nation anglaise[3].

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  1. C’est-à-dire l’Amérique.
  2. On ne sait de quel ouvrage Montesquieu veut parler.
  3. Montesquieu a été prophète pour l’Amérique du Nord, qui s’est séparée de l’Angleterre en 1770.