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ACADÉMIQUES.

C’est assez pour vous que cette académie vous doive et sa naissance et ses progrès ; je la regarde moins comme une compagnie qui doit perfectionner les sciences que comme un grand trophée élevé à votre gloire : il me semble que j’entends dire à chacun de vous ces paroles du poëte lyrique :

Exegi monumentum ære perennius [1].

Nous avons été animés à cette grande entreprise par cet illustre protecteur dont le génie puissant veille sur nous [2]. Nous l’avons vu quitter les délices de la cour, et faire sentir sa présence jusqu’au fond de nos provinces. C’est ainsi que la fable nous représente ces dieux bienfaisants qui du séjour du ciel descendoient sur la terre pour polir des peuples sauvages, et faire fleurir parmi eux les sciences et les arts.

Oserai-je vous dire, messieurs, ce que la modestie m’a fait taire jusqu’ici ? Quand je vis votre académie naissante s’élever si heureusement, je sentis une joie secrète ; et, soit qu’un instinct flatteur semblât me présager ce qui m’arrive aujourd’hui, soit qu’un sentiment d’amour-propre me le fît espérer, je regardai toujours les lettres de votre établissement comme des titres de ma famille.

Lié avec plusieurs d’entre vous par les charmes de l’amitié, j’espérai qu’un jour je pourrois entrer avec eux dans un nouvel engagement, et leur être uni par le commerce des lettres, puisque je l’étois déjà par le lien le plus fort qui fût parmi les hommes. Et, si ce que dit un des

  1. Horat., Od., III, xxiv.
  2. Henri-Jacques Nompar de Caumont, duc de la Force, pair de France, membre de l’Académie française (1675-1726). V. plus loin le Discours prononcé à l’Académie de Bordeaux, le 25 août 1726.