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NOTES

On ne saurait envoyer ici des gens qui aient trop d’esprit. On se trompera toujours sans cela avec le peuple, et on ne le connaîtra point. Si on se livre à un parti, on y tient. Or, il y a cent millions de petits partis, comme de passions. D’Hiberville, qui ne voyait que des jacobites, se laissa entraîner à faire croire à la cour de France qu’on pourrait faire un parlement tory : il fut wigh, après beaucoup d’argent jeté, et cela fut cause, dit-on, de sa disgrâce. Les ministres de mon temps ne connaissaient pas plus l’Angleterre qu’un enfant de six mois. Kinski se trompait toujours sur les mémoires de torys. Comme on voit le diable dans les papiers périodiques, on croit que le peuple va se révolter demain ; mais il faut seulement se mettre dans l’esprit qu’en Angleterre, comme ailleurs, le peuple est mécontent des ministres, et que le peuple y écrit ce que l’on pense ailleurs.

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Je regarde le roi d’Angleterre comme un homme qui a une belle femme, cent domestiques, de beaux équipages, une bonne table ; on le croit heureux. Tout cela est au dehors. Quand tout le monde est retiré, que la porte est fermée, il faut qu’il se querelle avec sa femme, avec ses domestiques, qu’il jure contre son maître d’hôtel ; il n’est plus si heureux[1].


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Quand je vais dans un pays, je n’examine pas s’il y a

  1. Leibnitz comparait le roi d’Angleterre et son Parlement à un mari et à sa femme, dont les rapports pouvaient parfois être tendus, mais qui étaient forcés de se mettre d’accord. (Foucher de Careil, Leibnitz et les deux Sophies. Paris, 1876, p. 179.)