fiacres s’enfoncent dans des trous, et il se fait un cahotement qui fait perdre la tête.
Les jeunes seigneurs anglais sont divisés en deux classes : les uns savent beaucoup, parce qu’ils ont été longtemps dans les universités ; ce qui leur a donné un air gêné avec une mauvaise honte. Les autres ne savent absolument rien, et ceux-là ne sont rien moins que honteux, et ce sont les petits-maitres de la nation. En général les Anglais sont modestes.
Le 5 octobre 1730 (n. s.[1]), je fus présenté au prince, au roi et à la reine, à Kensington. La reine, après m’avoir parlé de mes voyages, parla du théâtre anglais ; elle demanda à milord Chesterfield d’où vient que Shakespeare, qui vivait du temps de la reine Elisabeth, avait si mal fait parler les femmes et les avait fait si sottes. Milord Chesterfield répondit fort bien que, dans ce temps-là, les femmes ne paraissaient pas sur le théâtre, et que c’était de mauvais acteurs qui jouaient ces rôles, ce qui faisait que Shakespeare ne prenait pas tant de peine à les faire bien parler. J’en dirais une autre raison : c’est que pour faire parler les femmes, il faut avoir l’usage du monde et des bienséances. Pour faire bien parler les héros, il ne faut qu’avoir l’usage des livres. La reine me demanda s’il n’était pas vrai que, parmi nous, Corneille fût plus estimé que Racine ? Je lui répondis que l’on regardait ordinairement Corneille comme un plus grand esprit, et Racine comme un plus grand auteur.
- ↑ Nouveau style.