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PENSÉES DIVERSES.

homme, que je ne sache pas avoir formé une résolution plus forte ; bien différent de cet ancien, qui disait qu’il n’était jamais sorti des spectacles aussi vertueux qu’il y était entré. C’est qu’ils ne sont plus la même chose.

Dans la plupart des auteurs, je vois l’homme qui écrit ; dans Montaigne, l’homme qui pense.

Les maximes de La Rochefoucauld sont les proverbes des gens d’esprit.

Ce qui commence à gâter notre comique, c’est que nous voulons chercher le ridicule des passions, au lieu de chercher le ridicule des manières. Or les passions ne sont pas des ridicules par elles-mêmes.

Quand on dit qu’il n’y a point de qualités absolues, cela ne veut pas dire qu’il n’y en a point réellement, mais que notre esprit ne peut pas les déterminer[1].

Quel siècle que le nôtre, où il y a tant de critiques et de juges, et si peu de lecteurs !

Voltaire n’est pas beau, il n’est que joli ; il serait honteux pour l’Académie que Voltaire en fût[2], et il lui sera quelque jour honteux qu’il n’en ait pas été.

Les ouvrages de Voltaire sont comme les visages mal proportionnés qui brillent de jeunesse.

Voltaire n’écrira jamais une bonne histoire. Il est comme les moines, qui n’écrivent pas pour le sujet qu’ils traitent, mais pour la gloire de leur ordre. Voltaire écrit pour son couvent.

Charles XII, toujours dans le prodige, étonne et n’est pas grand. Dans cette histoire, il y a un morceau admirable, la retraite de Schulembourg, morceau écrit aussi vivement qu’il y en ait. L’auteur manque quelquefois de sens.

  1. V. Sup., page 160.
  2. Voltaire fut reçu à l’Académie française le 9 mai 1746.