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PENSÉES DIVERSES.

Je n’ai pas été fâché de passer pour distrait ; cela m’a fait hasarder bien des négligences qui m’auraient embarrassé.

J’aime les maisons où je puis me tirer d’affaire avec mon esprit de tous les jours.

Dans les conversations et à table, j’ai toujours été ravi de trouver un homme qui voulût prendre la peine de briller : un homme de cette espèce présente toujours le flanc, et tous les autres sont sous le bouclier.

Rien ne m’amuse plus que de voir un conteur ennuyeux faire une histoire circonstanciée sans quartier : je ne suis pas attentif à l’histoire, mais à la manière de la faire.

Pour la plupart des gens, j’aime mieux les approuver que de les écouter.

Je n’ai jamais voulu souffrir qu’un homme d’esprit s’avisât de me railler deux fois de suite.

J’ai assez aimé ma famille pour faire ce qui allait au bien dans les choses essentielles ; mais je me suis affranchi des menus détails.

Quoique mon nom ne soit ni bon ni mauvais, n’ayant guère que deux cent cinquante ans de noblesse prouvée, cependant j’y suis attaché, et je serais homme à faire des substitutions[1].

Quand je me fie à quelqu’un, je le fais sans réserve ; mais je me lie à très peu de personnes.

Ce qui m’a toujours donné une assez mauvaise opinion de moi, c’est qu’il y a fort peu d’états dans la république auxquels j’eusse été véritablement propre. Quant à mon métier de président, j’ai le cœur très droit : je comprenais assez les questions en elles-mêmes ; mais quant à la procé-

  1. Il l’a fait. (Note du manuscrit).