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PENSÉES DIVERSES [1]
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Mon fils, vous êtes assez heureux pour n’avoir ni à rougir ni à vous enorgueillir de votre naissance : la mienne est tellement proportionnée à ma fortune que je serais fâché que l’une ou l’autre fussent plus grandes.

Vous serez homme de robe ou d’épée. Comme vous devez rendre compte de votre état, c’est à vous de le choisir : dans la robe, vous trouverez plus d’indépendance ; dans le parti de l’épée, de plus grandes espérances.

Il vous est permis de souhaiter de monter à des postes plus éminents, parce qu’il est permis à chaque citoyen de souhaiter d’être en état de rendre de plus grands services à sa patrie ; d’ailleurs une noble ambition est un sentiment

  1. Il ne faut pas confondre ces Pensées avec un petit extrait intitulé le Génie de Montesquieu, qui parut en 1738. Ce grand homme écrivait le soir ses observations de tous les jours ; ces pensées solitaires étaient le premier jet de l’esprit ; elles ont la sève de l’originalité. Plusieurs étaient connues ; d’autres nous ont été transmises par des mains fidèles. Ces anneaux préparés pour une grande chaine, quoique détaches, sont des anneaux d’or. On ne peut lire sans attendrissement ces entretiens muets avec son fils ; ces pensées étaient une espèce de legs paternel ; il a son prix aux yeux des hommes sensibles et éclairés. (Note des éditeurs des Œuvres posthumes. Paris, 1798, in-12.)