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ÉLOGE

M. le duc de Bervvick, par M. de Chamillard, existent aussi : on verra qui des deux manqua de sang-froid, et j’oserois peut-être même dire de raison. A Dieu ne plaise que je veuille mettre en question[1] les qualités éminentes de M. le duc de Vendôme ! Si M. le maréchal de Berwick revenoit au monde, il en seroit fâché[2]. Mais je dirai dans cette occasion ce qu’Homère dit de Glaucus : Jupiter ôta la prudence à Glaucus, et il changea un bouclier d’or contre un bouclier d’airain. Ce bouclier d’or, M. de Vendôme avant cette campagne l’avoit toujours conservé, et il le retrouva depuis.

En 1709 M. le maréchal de Berwick fut envoyé pour couvrir les frontières de la Provence et du Dauphiné ; et quoique M. de Chamillard, qui affamoit tout, eût été déplacé, il n’y avoit ni argent, ni provisions de guerre et de bouche ; il fit si bien qu’il en trouva, Je me souviens de lui avoir ouï dire que, dans sa détresse, il enleva une voiture d’argent qui alloit de Lyon au trésor royal ; et il disoit à M. d’Angervilliers, qui étoit son intendant dans ce temps, que dans la règle ils auroient mérité tous deux qu’on leur fit leur procès. M. Desmarais cria : il répondit qu’il falloit faire subsister une armée qui avoit le royaume à sauver.

M. le maréchal de Berwick imagina un plan de défense tel, qu’il étoit impossible de pénétrer en France[3] de quelque côté que ce fût, parce qu’il faisoit la corde, et que le duc de Savoie étoit obligé de faire l’arc. Je me souviens qu’étant en Piémont, les officiers qui avoient servi dans ce temps-là donnoient cette raison comme les ayant toujours empêchés

  1. var. A Dieu ne plaise que, je dise que M. de Vendôme manquoit de prudence.
  2. var. Il seroit le premier à me dédire.
  3. var. Tel qu’il fut impossible de pénétrer en France dans la longue ligne qu’il avoit à défendre, etc.