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CHAPITRE XI.


ÉTAT DE L’EUROPE DU TEMPS DE CHARLES MARTEL.


Charles Martel, qui entreprit de dépouiller le clergé, se trouva dans les circonstances les plus heureuses : il étoit craint et aimé des gens de guerre, et il travaillent pour eux ; il avoit le prétexte de ses guerres contre les Sarrasins [1] ; quelque haï qu’il fût du clergé, il n’en avoit aucun besoin ; le pape, à qui il étoit nécessaire, lui tendoit les bras : on sait la célèbre ambassade [2] que lui envoya Grégoire III. Ces deux puissances furent fort unies [3], parce qu’elles ne pouvoient se passer l’une de l’autre : le pape avoit besoin des Francs pour le soutenir contre les Lombards et contre les Grecs ; Charles Martel [4] avoit besoin du pape pour humilier les Grecs, embarrasser les Lombards, se rendre plus respectable chez lui, et accréditer les titres qu’il avoit, et ceux que lui ou ses enfants pourroient prendre [5]. Il ne pouvoit donc manquer son entreprise.

  1. Voyez les Annales de Metz. (M.)
  2. Epistolam quoque, decreto romanorum principum, sibi prœdictus prœsul Gregorius miserai, quod sese populus Romanus, relicta imperatoris dominations, ad suam defensionem et invictam clementiam convertere voluisset. Annales de Metz, sur l’an 741..... Eo pacto patrato, ut a partibus imperatoris recederet. Frédégaire. (M.)
  3. A. B. très-unies.
  4. A. B. et contre les Grecs ; les Francs avoient besoin du pape pour leur servir de barrière contre les Grecs et embarrasser les Lombards ; Charles Martel ne pouvoit donc manquer son entreprise.
  5. On peut voir, dans les auteurs de ce temps-là, l’impression que l’auto-