Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/324

Cette page n’a pas encore été corrigée
308
SUITE DE LA DÉFENSE


toute l’Europe, comme l’autorité de Caton dans Lucain est au-dessus de celle des dieux mêmes : et, quoiqu’ils l’aient critiqué, on ne peut pas les soupçonner d’avoir couronné de fleurs la victime avant que de l’immoler. Voici à quoi se réduisent leurs remarques critiques :

Ils se récrient sur ce que notre philosophe dit, que, l’amour des lois et de la patrie demande au républicain une préférence continuelle de l’intérêt public au sien propre.

Pour attaquer ce principe du gouvernement démocratique, ils citent [1] la Hollande, où ils cherchent en vain cette vertu du « renoncement à soi-même », comme si M. de M... avoit prétendu que l’amour du bien public donnât l’exclusion à l’espérance de notre bien particulier ; comme s’il n’avoit pas prévenu toutes les objections de cette espèce, en observant dans le dernier chapitre du troisième livre, si je ne me trompe, qu’il ne disoit point ce qu’est un tel gouvernement, mais seulement ce qu’il devroit être pour être bien constitué ; comme si la Hollande même ne prouvoit pas sa proposition. Pourquoi sa constitution a-t-elle été altérée ? Pourquoi le peuple a-t-il voulu un maître ? Pourquoi a-t-il forcé ses souverains à élire un magistrat dont le pouvoir héréditaire l’achemine à l’absolu ? La raison en est toute simple, et cette raison fortifie le système attaqué : l’amour de la patrie avoit disparu, l’ancienne frugalité avoit fait place au luxe, on ne sacrifioit plus son intérêt à l’intérêt public, on cherchoit ces héros qui avoient humilié la maison d’Autriche et on ne trouvoit que des morts : en un mot l’État étoit « frappé dans son principe », le ressort étoit usé.

Suivant les journalistes, « la France ne fut point sous

  1. Bibliothèque raisonnée, tome XLIII, 2e partie.