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SUITE DE LA DÉFENSE


est détruite, où la femme en passant de la maison du père dans celle du mari ne fait que changer de maître, l’égalité soit en quelque sorte rétablie» la servitude soit affoiblie par quelque privilège particulier. La loi rend la femme esclave : cela n’est pas naturel ; mais il l’est que la loi diminue la pesanteur du joug, qu’elle mette des bornes à l’autorité, qu’elle prévienne la tyrannie : or, nul moyen plus propre que la concession du droit de répudiation aux femmes. Ce droit n’est pas un équivalent de ce qu’elles ont perdu ; mais elle en est un dédommagement ; c’est un remède à l’abus inséparable de l’excès du pouvoir.

La loi doit permettre la répudiation aux femmes, et aux hommes seulement le divorce, parce que le divorce peut être fondé sur des sujets légers, au lieu que la répudiation exige ou suppose de grandes raisons de mécontentement ; parce que, dans ces pays, une femme répudiée ne sauroit trouver un mari, au lieu qu’un homme répudié peut trouver autant de femmes qu’il en peut nourrir ; parce que, dès lors, l’état des enfants est assuré, au lieu qu’autrement il est incertain ; parce que la supériorité du pouvoir doit être balancée par la supériorité du droit, parce que la femme ne tient qu’à un seul, au lieu que l’homme tient à plusieurs.

M. de M... pouvoit donc décider que cette loi seroit très-sage ; et à qui le ton décisif iroit-il mieux qu’à un homme qui, pendant vingt ans, a porté sur les lois la raison la plus sagace et la plus éclairée ? Cependant, bien loin de se prévaloir de ses méditations, de sa perspicacité, de sa justesse, il couvre d’un doute modeste sa proposition. Un auteur ordinaire, convaincu de la solidité de ses réflexions, diroit : « Cela doit être. » M. de M..., persuadé qu’un pré-