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DE L’ESPRIT DES LOIS.


répond encore plus mal sur l’article de la tolérance. Nous avons cité de lui un fort long texte, dont Spinosa se glorifieroit. L’auteur en rapporte les premières lignes : « Lors, dit-il, que les lois de l’État ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu’elles les obligent aussi à se tolérer entre elles. » L’auteur ne va pas plus loin, et, d’un air aussi aisé, il dit : « On prie de lire le reste du chapitre. » Pour épargner au lecteur la peine de l’aller chercher, nous le transcrirons de nouveau. Le voici : « C’est un principe, que toute religion qui est réprimée devient elle-même réprimante. Car sitôt que par quelque hasard elle peut sortir de l’oppression, elle attaque la religion qui l'a réprimée, non pas comme une religion, mais comme une tyrannie. Il faut donc que les lois exigent de ces diverses religions, non-seulement qu elles ne troublent pas l’État, mais aussi qu’elles ne se troublent pas entre elles. Un citoyen ne satisfait pas aux lois, en se contentant de ne pas agiter le corps de l’État ; il faut qu’il ne trouble pas quelque citoyen que ce soit. Comme il n’y a guère que les religions intolérantes qui aient un grand zèle pour s’établir ailleurs, parce qu’une religion qui peut tolérer les autres ne pense guère à sa propagation, ce sera une très-bonne loi civile, lorsque l’État est satisfait de la religion déjà établie, de ne point souffrir l’établissement d’une autre. »

Voilà le chapitre que l’auteur prie de lire tout entier. Il n’a osé le rapporter ; et sachant qu’il est peu de lecteurs qui veuillent se donner la peine de suivre une dispute, il couvre sa retraite d’un air de sécurité. On n’imagine pas qu’un auteur prie de lire un chapitre qui lui fait son procès. L’auteur de la Défense est plein de ces petits artifices. Les trois quarts et demi des lecteurs s’y laissent