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RÉPONSE A LA DÉFENSE


un acte souverainement libre, il suit ces lois avec une souveraine liberté et une entière indépendance. L’auteur soutient qu’il seroit absurde de dire que sans ces lois le Créateur pourrait conserver le monde, puisque le monde ne subsisterait pas sans elles (Esprit des Lois, liv. I, chap. I). Est-il entré dans les profondeurs-de Dieu pour y découvrir toute l’étendue de son pouvoir ? Dieu, dit-il, ne pourrait gouverner le monde sans les lois qui sont établies. Comme si Dieu n’avoit pas une infinité de moyens de conserver le monde, indépendamment des lois qu’il s’est prescrites ! Est-ce que les lois que Dieu suit aujourd’hui ont épuisé sa puissance ? Les hommes, les animaux, les arbres, les plantes, ne viennent à leur perfection que par des accroissements insensibles : Dieu ne pouvoit-il pas continuer à les créer dans leur perfection, comme il le fit dans l’origine du monde ? Que l’auteur apprenne qu’il n’en est pas de Dieu comme des hommes ; les hommes emploient des moyens pour arriver à une fin, parce que ces moyens leur sont nécessaires ; mais Dieu n’a pas besoin de moyens pour exécuter ses volontés. Quand il établit des lois pour produire certains effets, c’est qu’il veut que ces effets soient produits par telles et telles lois. Il ne veut pas les moyens comme cause nécessaire par rapport à lui, mais il veut qu’ils servent de moyens pour produire tels et tels effets. Saint Thomas l’a dit en deux mots : Vult hoc esse propter hoc ; sed non propter hoc, vult hoc. L’auteur dit que les lois selon lesquelles Dieu a créé le monde, sont celles selon lesquelles il le conserve (Ibid.). Si l'auteur croit à la révélation, Moïse lui dit qu’il se trompe. Quelles lois Dieu a-t-il suivies pour créer la matière ? Il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et le néant même lui a obéi ; Dieu dit : Que la lumière soit faite, et la lumière