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CHAPITRE II.


COMMENT LE GOUVERNEMENT CIVIL FUT RÉFORMÉ.


On avoit vu jusqu’ici la nation donner des marques d’impatience et de légèreté sur le choix, ou sur la conduite de ses maîtres ; on l’avoit vue régler les différends de ses maîtres entre eux, et leur imposer la nécessité de la paix. Mais, ce qu’on n’avoit pas encore vu, la nation le fît pour lors : elle jeta les yeux sur sa situation actuelle, elle examina ses lois de sang-froid, elle pourvut à leur insuffisance, elle arrêta la violence, elle régla le pouvoir [1].

Les régences mâles, hardies et insolentes de Frédégonde et de Brunehault, avoient moins étonné cette nation, qu’elles ne l’avoient avertie. Frédégonde avoit défendu ses méchancetés par ses méchancetés mêmes ; elle avoit justifié le poison et les assassinats par le poison et les assassinats ; elle s’étoit conduite de manière que ses attentats étoient encore plus particuliers que publics. Frédégonde fit plus de maux, Brunehault en fit craindre davantage. Dans cette crise, la nation ne se contenta pas de mettre ordre au gouvernement féodal, elle voulut aussi assurer son gouvernement civil : car celui-ci étoit encore

  1. Montesquieu attribue aux Leudes, qu’il appelle la Nation, une sagesse et des calculs qu’il serait malaisé de justifier.