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DÉFENSE


par an, on se seroit servi de la même méthode, en augmentant d’un tiers l’usure de. chaque mois ; de sorte que l’usure onciaire auroit été d’une once et demie par mois.

Quand les Romains firent des lois sur l’usure, il ne fut point question de cette méthode, qui avoit servi et qui servoit encore aux débiteurs et aux créanciers pour la division du temps et la commodité du payement de leurs usures. Le législateur avoit un règlement public à faire ; il ne s’agissoit point de partager l’usure par mois, il avoit à fixer et il fixa l’usure par an. On continua à se servir des termes tirés de la division de l’as sans y appliquer les mêmes idées : ainsi l’usure onciaire signifia un pour cent par an, l’usure ex quadrante signifia trois pour cent par an, l’usure ex triente quatre pour cent par an, l’usure semis six pour cent par an. Et, si l’usure onciaire avoit signifié un pour cent par mois, les lois qui les fixèrent ex quadrante, ex triente, ex semisse, auraient fixé l’usure à trois pour cent, à quatre pour cent, à six pour cent par mois ; ce qui auroit été absurde, parce que les lois faites pour réprimer l’usure auroient été plus cruelles que les usuriers.

Le critique a donc confondu les espèces des choses. Mais j’ai intérêt de rapporter ici ses propres paroles, afin qu’on soit bien convaincu que l’intrépidité avec laquelle il parle ne doit imposera personne : les voici [1] « Tacite ne s’est point trompé ; il parle de l’intérêt à un pour cent par mois, et l’auteur s’est imaginé qu’il parle d’un pour cent par an. Rien n’est si connu que le centésime qui se payoit à l’usurier tous les mois. Un homme qui écrit deux volumes in-4o sur les lois devroit-il l’ignorer ? »

  1. Feuille du 9 octobre 1749, page 161. (M.) Sup., p. 128.