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DE L’ESPRIT DES LOIS.


qu’il a pris pour la loi des Douze Tables une autre loi dont je vais parler. Si la loi des Douze Tables avoit réglé cela ; comment, dans les disputes qui s’élevèrent depuis entre les créanciers et les débiteurs, ne se seroit-on pas servi de son autorité ? On ne trouve aucun vestige de cette loi sur le prêt à intérêt ; et, pour peu qu’on soit versé dans l’histoire de Rome, on verra qu’une loi pareille ne pouvoit point être l’ouvrage des décemvirs. » Et un peu après l’auteur ajoute : « L’an 398 de Rome, les tribuns Duellius et Ménénius firent passer une loi qui réduisoit les intérêts à un pour cent par an. C’est cette loi que Tacite confond avec la loi des Douze Tables ; et c’est la première qui ait été faite chez les Romains pour fixer le taux de l’intérêt, etc. » Voyons à présent.

L’auteur dit que Tacite s’est trompé en disant que la loi des Douze Tables avoit fixé l’usure chez les Romains ; il a dit que Tacite a pris pour la loi des Douze Tables une loi qui fut faite par les tribuns Duellius et Ménénius, environ quatre-vingt-quinze ans après la loi des Douze Tables, et que cette loi fut la première qui fixa à Rome le taux de l’usure. Que lui dit-on ? Tacite ne s’est pas trompé ; il a parlé de l’usure à un pour cent par mois, et non pas de l’usure à un pour cent par an. Mais il n’est pas question ici du taux de l’usure ; il s’agit de savoir si la loi des Douze Tables a fait quelque disposition quelconque sur l’usure. L’auteur dit que Tacite s’est trompé, parce qu’il a dit que les décemvirs, dans la loi des Douze Tables, avoient fait un règlement pour fixer le taux de l’usure ; et, là-dessus, le critique dit que Tacite ne s’est pas trompé, parce qu’il a parlé de l’usure à un pour cent par mois, et non pas à un pour cent par an. J’avois donc raison de dire que le critique ne sait pas l’état de la question.