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DE L’ESPRIT DES LOIS.


Clotaire qu’il ne seroit jamais déplacé pendant sa vie [1]. Par là le maire ne put plus être dans le cas où avoient été les seigneurs françois ; et cette autorité commença à se rendre indépendante de l’autorité royale.

C’étoit la funeste régence de Brunehault qui avoit surtout effarouché la nation. Tandis que les lois subsistèrent dans leur force, personne ne put se plaindre de ce qu’on lui ôtoit un fief, puisque la loi ne le lui donnoit pas pour toujours ; mais quand l’avarice, les mauvaises pratiques, la corruption, firent donner des fiefs, on se plaignit de ce qu’on étoit privé, par de mauvaises voies, des choses que souvent on avoit acquises de même. Peut-être que si le bien public avoit été le motif de la révocation des dons, on n’auroit rien dit ; mais on montroit l’ordre, sans cacher la corruption ; on réclamoit le droit du fisc, pour prodiguer les biens du fisc à sa fantaisie ; les dons ne furent plus la récompense ou l’espérance des services. Brunehault, par un esprit corrompu, voulut corriger les abus de la corruption ancienne. Ses caprices n’étoient point ceux d’un esprit foible : les leudes et les grands officiers se crurent perdus ; ils la perdirent.

Il s’en faut bien que nous ayons tous les actes qui furent passés dans ces temps-là ; et les faiseurs de chroniques, qui sa voient à peu près de l’histoire de leur temps, ce que les villageois savent aujourd’hui de celle du nôtre, sont très-stériles. Cependant nous avons une constitution de Clotaire, donnée dans le concile de Paris [2] pour la réformation des abus, qui fait voir que ce prince fit cesser les

  1. Chronique de Frédégaire, ch. XLII, sur l’an 613. Sacramento a Clotario accepto ne unquam vitœ suœ temporibus degradaretur. (M.)
  2. Quelque temps après le supplice de Brunehault, l’an 615. Voyez l’édition des Capitulaires de Baluze, p. 21. (M.)