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DÉFENSE


l’auteur a donné une théorie de ce que les lois politiques et civiles de divers peuples avoient fait à cet égard. Il a fait voir, en examinant les histoires des divers peuples de la terre, qu’il y avoit eu des circonstances où ces lois furent plus nécessaires que dans d’autres, des peuples qui en avoient eu plus de besoin, de certains temps où ces peuples en avoient eu plus de besoin encore : et, comme il a pensé que les Romains furent le peuple du monde le plus sage, et qui, pour réparer ses pertes, eut le plus besoin de pareilles lois, il a recueilli avec exactitude les lois qu’ils avoient faites à cet égard ; il a marqué avec précision dans quelles circonstances elles avoient été faites, et dans quelles autres circonstances elles avoient été ôtées. Il n’y a point de théologie dans tout ceci, et il n’en faut point pour tout ceci. Cependant il a jugé à propos d’y en mettre. Voici ses paroles : « A Dieu ne plaise que je parle ici contre le célibat qu’a adopté la religion ; mais, qui pourroit se taire contre celui qu’a formé le libertinage, celui où les deux sexes, se corrompant par les sentiments naturels même, fuient une union qui doit les rendre meilleurs, pour vivre dans celles qui les rendent toujours pires ?

« C’est une règle tirée de la nature, que, plus on diminue le nombre des mariages qui pourraient se faire, plus on corrompt ceux qui sont faits ; moins il y a de gens mariés, moins il y a de fidélité dans les mariages : comme lorsqu’il y a plus de voleurs, il y a plus de vols [1]. »

L’auteur n’a donc point désapprouvé le célibat qui a pour motif la religion. On ne pouvoit se plaindre de ce qu’il s’élevoit contre le célibat introduit par le libertinage ;

  1. Liv. XXIII, ch. XXI, à la fin.