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DÉFENSE


voir. » Si donc la religion chrétienne est le premier bien, et les lois politiques et civiles le second, il n’y a point de lois politiques et civiles dans un État, qui puissent ou doivent y empêcher l’entrée de la religion chrétienne.

Ma seconde réponse est que la religion du ciel ne s’établit pas par les mêmes voies que les religions de la terre. Lisez l’histoire de l’Église, et vous verrez les prodiges de la religion chrétienne. A-t-elle résolu d’entrer dans un pays, elle sait s’en faire ouvrir les portes ; tous les instruments sont bons pour cela : quelquefois Dieu veut se servir de quelques pêcheurs ; quelquefois il va prendre sur le trône un empereur, et fait plier sa tête sous le joug de l’Évangile. La religion chrétienne se cachet-elle dans des lieux souterrains ? Attendez un moment, et vous verrez la Majesté Impériale parler pour elle. Elle traverse, quand elle veut, les mers, les rivières et les montagnes ; ce ne sont pas les obstacles d’ici-bas qui l’empêchent d’aller. Mettez de la répugnance dans les esprits, elle saura vaincre ces répugnances : établissez des coutumes, formez des usages, publiez des édits, faites des lois ; elle triomphera du climat, des lois qui en résultent, et des législateurs qui les auront faites. Dieu, suivant des décrets que nous ne connoissons point, étend ou resserre les limites de sa religion.

On dit : « C’est comme si vous alliez dire aux rois d'Orient qu’il ne faut pas qu’ils reçoivent chez eux la religion chrétienne. » C’est être bien charnel, que de parler ainsi. Étoit-ce donc Hérode qui devoit être le Messie ? Il semble qu’on regarde Jésus-Christ comme un roi qui, voulant conquérir un État voisin, cache ses pratiques et ses intelligences. Rendons-nous justice : la manière dont nous nous conduisons dans les affaires humaines est-elle