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DE L’ESPRIT DES LOIS.


l'on n’a rien dit. L’auteur a de plus examiné philosophiquement dans quels pays, dans quels climats, dans quelles circonstances elle avoit de moins mauvais effets ; il a comparé les climats aux climats, et les pays aux pays ; et il a trouvé qu’il y avoit des pays où elle avoit des effets moins mauvais que dans d’autres ; parce que, suivant les Relations, le nombre des hommes et des femmes n’étant point égal dans tous les pays, il est clair que, s’il y a des pays où il y ait beaucoup plus de femmes que d’hommes, la polygamie, mauvaise en elle-même, l’est moins dans ceux-là que dans d’autres. L’auteur a discuté ceci dans le chapitre IV du même livre. Mais, parce que le titre de ce chapitre porte ces mots, « que la loi de la polygamie est une affaire de calcul », on a saisi ce titre. Cependant, comme le titre d’un chapitre se rapporte au chapitre même, et ne peut dire ni plus ni moins que ce chapitre, voyons-le.

« Suivant les calculs que Ton fait en divers endroits de l’Europe, il y naît plus de garçons que de filles : au contraire, les Relations de l’Asie nous disent qu’il y naît beaucoup plus de filles que de garçons. La loi d’une seule femme en Europe, et celle qui en permet plusieurs en Asie, ont donc un certain rapport au climat.

« Dans les climats froids de l’Asie, il naît, comme en Europe, beaucoup plus de garçons que de filles : c’est, disent les Lamas, la raison de la loi qui chez eux permet à une femme d’avoir plusieurs maris.

« Mais j’ai peine à croire qu’il y ait beaucoup de pays où la disproportion soit assez grande pour qu’elle exige qu’on y introduise la loi de plusieurs femmes, où la loi de plusieurs maris. Cela veut dire seulement que la pluralité des femmes, ou même la pluralité des hommes, est