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DÉFENSE



DE LA POLYGAMIE EN ELLE-MÊME. (XVI, IV.)


« A regarder la polygamie en général, indépendamment des circonstances qui peuvent la faire un peu tolérer, elle n’est point utile au genre humain, ni à aucun des deux sexes, soit à celui qui abuse, soit à celui dont on abuse. Elle n’est pas non plus utile aux enfants ; et un de ses grands inconvénients est que le père et la mère ne peuvent avoir la même affection pour leurs enfants ; un père ne peut pas aimer vingt enfants comme une mère en aime deux. C’est bien pis quand une femme a plusieurs maris ; car pour lors l’amour paternel ne tient qu’à cette opinion qu’un père peut croire, s’il veut, ou que les autres peuvent croire, que de certains enfants lui appartiennent.

« La pluralité des femmes, qui le diroit ? mène à cet amour que la nature désavoue : c’est qu’une dissolution en entraîne toujours une autre, etc.

« Il y a plus : la possession de beaucoup de femmes ne prévient pas toujours les désirs pour celle d’un autre : il en est de la luxure comme de l’avarice : elle augmente sa soif par l’acquisition des trésors.

« Du temps de Justinien, plusieurs philosophes, gênés par le christianisme, se retirèrent en Perse auprès de Cosroès : ce qui les frappa le plus, dit Agathias, ce fut que la polygamie étoit permise à des gens qui ne s’abstenoient pas même de l’adultère. »

L’auteur a donc établi que la polygamie étoit par sa nature et en elle-même une chose mauvaise ; il falloit partir de ce chapitre, et c’est pourtant de ce chapitre que