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DÉFENSE


avec les autres, il pût la faire triompher de toutes.

Ce que je dis se voit dans tout l’ouvrage ; mais l’auteur l'a particulièrement expliqué au commencement du livre vingt-quatrième, qui est le premier des deux livres qu’il a faits sur la religion. Il le commence ainsi : « Comme on peut juger parmi les ténèbres celles qui sont les moins épaisses, et parmi les abîmes ceux qui sont les moins profonds ; ainsi l’on peut chercher entre les religions fausses, celles qui sont les plus conformes au bien de la société, celles qui, quoiqu’elles n’aient pas l’effet de mener les hommes aux félicités de l’autre vie, peuvent le plus contribuer à leur bonheur dans celle-ci.

« Je n’examinerai donc les diverses religions du monde que par rapport au bien que l’on en tire dans l’État civil, soit que je parle de celle qui a sa racine dans le ciel, ou bien de celles qui ont la leur sur la terre. »

L’auteur ne regardant donc les religions humaines que comme des institutions humaines, a dû en parler, parce qu’elles entroient nécessairement dans son plan. Il n’a point été les chercher, mais elles sont venues le chercher. Et, quant à la religion chrétienne, il n’en a parlé que par occasion ; parce que, par sa nature, ne pouvant être modifiée, mitigée, corrigée, elle n’entroit point dans le plan qu’il s’étoit proposé.

Qu’a-t-on fait pour donner une ample carrière aux déclamations, et ouvrir la porte la plus large aux invectives ? On a considéré l’auteur comme si, à l’exemple de M. Abbadie [1], il avoit voulu faire un Traité sur la religion

  1. Jacques Abbadie, ministre protestant, né dans le Béarn, en 1658, chassé de France par l’Édit de Nantes, et mort à l’étranger en 1727, a publié des livres qui ont eu longtemps de la célébrité. Tel est son Traité de la vérité de la religion chrétienne, 1684, 2 vol. in-8°, et son Art de