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SECONDE PARTIE.


IDÉE GÉNÉRALE.


J’ai absous le livre de l’Esprit des Lois de deux reproches généraux dont on l’avoit chargé ; il y a encore des imputations particulières auxquelles il faut que je réponde. Mais pour donner un plus grand jour à ce j’ai dit, et à ce que je dirai dans la suite, je vais expliquer ce qui a donné lieu, ou a servi de prétexte aux invectives.

Les gens les plus sensés de divers pays de l’Europe, les hommes les plus éclairés et les plus sages, ont regardé le livre de l'Esprit des Lois comme un ouvrage utile : ils ont pensé que la morale en étoit pure, les principes justes, qu’il étoit propre à former d’honnêtes gens, qu’on y détruisoit les opinions pernicieuses, qu’on y encourageoit les bonnes.

D’un autre côté, voilà un homme qui en parle comme d’un livre dangereux ; il en a fait le sujet des invectives les plus outrées. Il faut que j’explique ceci.

Bien loin d’avoir entendu les endroits particuliers qu’il critiquoit dans ce livre, il n’a pas seulement su quelle étoit la matière qui y étoit traitée : ainsi, déclamant en l’air, et combattant contre le vent, il a remporté des triomphes de même espèce : il a bien critiqué le livre qu’il avoit dans la tête, il n’a pas critiqué celui de l’auteur.