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DE L’ESPRIT DES LOIS.


Spinosa : c’en est assez pour inspirer à un chrétien l’horreur du nouveau livre que nous annonçons. » Je réponds que non-seulement c’en est assez, mais même que c’en seroit beaucoup trop. Mais je viens de prouver que le système de l’auteur n’est pas celui de la religion naturelle ; et, en lui passant que le système de la religion naturelle rentrât dans celui de Spinosa, le système de l’auteur n’entreroit pas dans celui de Spinosa, puisqu’il n’est pas celui de la religion naturelle.

Il veut donc inspirer de l’horreur avant d’avoir prouvé qu’on doit avoir de l’horreur.

Voici les deux formules des raisonnements répandus dans les deux écrits auxquels je réponds. L’auteur de l'Esprit des Lois est un sectateur de la religion naturelle : donc il faut expliquer ce qu’il dit ici par les principes de la religion naturelle : or, si ce qu’il dit ici est fondé sur les principes de la religion naturelle, il est un sectateur de la religion naturelle.

L’autre formule est celle-ci : L’auteur de l’Esprit des Lois est un sectateur de la religion naturelle : donc ce qu’il dit dans son livre en faveur de la révélation, n’est que pour cacher qu’il est un sectateur de la religion naturelle : or, s’il se cache ainsi, il est un sectateur de la religion naturelle.

Avant de finir cette première partie, je serois tenté de faire une objection à celui qui en a tant fait. Il a si fort effrayé les oreilles du mot de sectateur de la religion naturelle, que moi, qui défends l’auteur, je n’ose presque prononcer ce nom : je vais pourtant prendre courage. Ses deux écrits ne demanderoient-ils pas plus d’explication que celui que je défends ? Fait-il bien, en parlant de la religion naturelle et de la révélation, de se jeter perpé-