Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t6.djvu/173

Cette page n’a pas encore été corrigée
157
DE L’ESPRIT DES LOIS.


qu’il ne croit que la religion naturelle, et qu’il exclut la religion révélée. Je dis que dans cet endroit il a parlé de la religion révélée, et non pas de la religion naturelle ; car s’il avoit parlé de la religion naturelle, il seroit un idiot. Ce seroit comme s’il disoit : un tel être pouvoit aisément oublier son créateur, c’est-à-dire la religion naturelle ; Dieu l’a rappelé à lui par les lois de la religion naturelle ; de sorte que Dieu lui auroit donné la religion naturelle pour perfectionner en lui la religion naturelle. Ainsi, pour se préparer à dire des invectives à l’auteur, on commence par ôter à ses paroles le sens du monde le plus clair, pour leur donner le sens du monde le plus absurde ; et, pour avoir meilleur marché de lui, on le prive du sens commun.


HUITIÈME OBJECTION.


L’auteur a dit [1] en parlant de l’homme : « Un tel être pouvoit à tous les instants oublier son créateur ; Dieu l’a rappelé à lui par les lois de la religion : un tel être pouvoit à tous les instants s’oublier lui-même ; les philosophes l’ont averti par les lois de la morale : fait pour vivre dans la société, il pouvoit oublier les autres ; les législateurs l’ont rendu à ses devoirs par les lois politiques et civiles. » Donc, dit le critique [2] selon l’auteur le gouvernement du monde est partagé entre Dieu, les philosophes et les législateurs, etc. Où les philosophes ont-ils appris les lois de la morale ? où les législateurs ont-ils vu ce qu’il faut prescrire pour gouverner les sociétés avec équité ?

  1. Liv. I, ch. I.
  2. Page 162 de la feuille du 9 octobre 1749. (M.) Sup., p. 121.