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DE L’ESPRIT DES LOIS.


SIXIÈME OBJECTION.


« L’auteur dit que la loi qui prescrit à l’homme ses devoirs envers Dieu, est la plus importante ; mais il nie qu’elle soit la première : il prétend que la première loi de la nature est la paix ; que les hommes ont commencé par avoir peur les uns des autres, etc. Que les enfants savent que la première loi, c’est d’aimer Dieu ; et la seconde, c’est d’aimer son prochain. »


RÉPONSE.


Voici les paroles de l’auteur : « Cette loi qui, en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un créateur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles, par son importance et non pas dans l’ordre de ces lois. L’homme, dans l’État de nature, auroit plutôt la faculté de connoître, qu’il n’auroit des connoissances. Il est clair que ses premières idées ne seroient point des idées spéculatives : il songeroit à la conservation de son être avant de chercher l’origine de son être. Un homme pareil ne sentiroit d’abord que sa foiblesse ; sa timidité seroit extrême ; et, si l’on avoit là-dessus besoin de l’expérience, l’on a trouvé dans les forêts des hommes sauvages ; tout les fait trembler, tout les fait fuir [1]. »

L’auteur a donc dit que la loi qui, en imprimant en nous-mêmes l’idée du créateur, nous porte vers lui, étoit la première des lois naturelles. Il ne lui a pas été défendu, pas plus qu’aux philosophes et aux écrivains du droit naturel, de considérer l’homme sous divers égards :

  1. Liv. I, ch. II.