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DE L’ESPRIT DES LOIS.


du chapitre second : « Cette loi qui en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un créateur nous porte vers lui est la première des lois naturelles par son importance. »

Il est donc spinosiste, lui qui a combattu de toutes ses forces le paradoxe de Bayle, qu’il vaut mieux être athée qu’idolâtre ? paradoxe dont les athées tireroient les plus dangereuses conséquences.

Que dit-on, après des passages si formels ? Et l’équité naturelle demande, que le degré de preuve soit proportionné à la grandeur de l’accusation.


PREMIÈRE OBJECTION.


« L’auteur tombe dès le premier pas. Les lois, dans la signification la plus étendue, dit-il , sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. Les lois des rapports ! Cela se conçoit-il ?... Cependant l’auteur n'a pas changé la définition ordinaire des lois, sans dessein. Quel est donc son but ? le voici. Selon le nouveau système, il y a entre tous les êtres qui forment ce que Pope appelle le Grand Tout [1] un enchaînement si nécessaire, que le moindre dérangement porterait la confusion jusqu’au trône du premier Être. C’est ce qui fait dire à Pope que les choses n’ont pu être autrement qu’elles ne sont, et que tout est bien comme il est [2]. Cela posé, on

  1. 1. All are but parts of one stupendous Whole,

    Whose body Nature is, and God the Soul.

    Pope, Essay on Man, Epistle I.
  2. 2. All Nature is but Art unknown te thee ;

    All Chance, Direction wich thou canst not see ;

    All Discord, Harmony not understood ;