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EXAMEN CRITIQUE.


ne troublent par l’État, mais aussi qu’elles ne se troublent pas entre elles. Un citoyen ne satisfait point aux lois en se contentant de ne pas agiter le corps de l’État ; il faut encore qu’il ne trouble pas quelque citoyen que ce soit. Comme il n’y a guère que les religions intolérantes qui aient un grand zèle pour s’établir ailleurs, parce qu’une religion qui peut tolérer les autres, ne pense guère à sa propagation, ce sera une très-bonne loi civile, lorsque l’État est satisfait de la religion déjà établie, de ne point souffrir l’établissement d’une autre. Voici donc le principe fondamental des lois politiques en fait de religion. Quand on est maître de recevoir dans un État une nouvelle religion, ou de ne pas la recevoir, il ne faut pas l’y établir ; quand elle est établie, il faut la tolérer. »

C’est, comme on voit, donner gain de cause aux anciens et aux nouveaux persécuteurs de la religion chrétienne. C’est armer actuellement les princes infidèles contre le christianisme, et leur dire qu’ils ne doivent jamais souffrir que l’on vienne prêcher l’Évangile dans leurs États. Tout le livre de l'Esprit des Lois tend à montrer que la religion doit s’accommoder aux mœurs, aux usages et aux coutumes des différents pays, quels qu’ils soient. Où l’usure, où la polygamie, où l’idolâtrie sont permises, il faut les permettre, sans quoi on ne doit point être écouté.

Mais serons-nous écouté, nous qui dénonçons les livres qui contiennent de pareilles maximes ? Un constitutionnaire fanatique [1] dira que ce serait faire trop d’honneur aux Nouvelles ecclésiastiques que de flétrir des livres qu’elles dénoncent comme pernicieux, et qui le sont en effet. Mais faut-il fermer les yeux sur l’impiété, parce que les nôtres

  1. C’est-à-dire un partisan de la constitution Unigenitus.