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DE L’ESPRIT DES LOIS.


donner des préceptes et point de conseils. La religion, faite pour parler au cœur, doit donner beaucoup de conseils et peu de préceptes... Le célibat fut un conseil du christianisme. Lorsqu’on en fit une loi pour un certain ordre de gens, il en fallut chaque jour de nouvelles pour réduire les hommes à l’observation de celle-ci. Le législateur se fatigua, il fatigua la société, pour faire exécuter aux hommes, par précepte, ce que ceux qui aiment la perfection auroient exécuté comme conseil. » (Livre XXIV, chapitre VII.)

D’abord on auroit cru l’auteur fort éloigné des principes de Bayle ; mais Bayle « flétrissant » la religion chrétienne n’en est pas moins « un grand homme » aux yeux de l’auteur. Seulement il lui reproche de n’avoir pas compris que l'on pouvoit, par une voie moins odieuse que celle qu’il a prise, se débarrasser de la gêne où la religion met ceux qui aiment à vivre sans joug. Et cette voie, c’est de réduire à de simples conseils les préceptes de la religion. En la regardant comme élevant les hommes à une perfection qui n’est que de conseil, on se conserve la liberté de parler d’elle quelquefois d’une manière avantageuse ; ce qui est mieux reçu que de s’annoncer pour un impie de profession. Mais le masque que prend l’auteur lui ôte-t-il le caractère d’impie ? Non, un impie masqué est toujours un impie, et d’ailleurs l’auteur ôte souvent son masque. Par exemple, quand il dit « que la religion catholique convient mieux à une monarchie, et la protestante à une république, » (livre XXIV, chapitre V.) c’est dire aux Hollandois de se donner bien de garde de se réunir à l’Église. De même, quand il dit que « le gouvernement modéré convient mieux à la religion chrétienne, et le gouvernement despotique à la mahométane, » (livre XXIV, chapitre III),