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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Le chapitre XV, où l’auteur traite de divorce et de la répudiation, est digne de lui. « Il est, dit-il, quelquefois si nécessaire aux femmes de répudier, et il leur est toujours si fâcheux de le faire, que la loi est tyrannique, qui donne ce droit aux hommes sans le donner aux femmes... C’est donc une règle générale que, dans tous les pays où la loi accorde aux hommes la faculté de répudier, elle doit aussi l’accorder aux femmes. Il y a plus : dans les climats où les femmes vivent sous un esclavage domestique, il semble que la loi doive permettre aux femmes la répudiation, et aux hommes seulement le divorce. » Quelle morale ! quels hommes que ces messieurs de la religion naturelle, qui débitent de sens froid de pareilles absurdités, et qui osent s’en glorifier.

Autre décision, également conforme à la nature corrompue. L’auteur (livre XXII, chapitre XIX) dit de l’usure : « Il est clair que celui qui a besoin d’argent doit le louer, comme il fait toutes les choses dont il peut avoir besoin. C’est bien une action très-bonne de prêter à un autre son argent sans intérêt ; mais on sent que ce ne peut être qu’un conseil de religion, et non une loi civile. » Au chapitre suivant, il ne voit rien que de juste dans l’usure maritime. Et résumant ensuite tout ce qu’il a dit de l’usure, il soutient qu’il est permis à un créancier de vendre le temps. Voici ses paroles : « Celui-là paye moins, dit Ulpien, qui paye plus tard. Cela décide la question si l’intérêt est légitime, c’est-à-dire si le créancier peut vendre le temps, et le débiteur peut l’acheter. » L’aveuglement est tel chez ces messieurs, qu’ils prétendent justifier l’usure par l’endroit que les Pères de l’Église et les payens mêmes ont le plus fait valoir pour la condamner. Quant à Ulpien, l’auteur le prend tout de travers. Ulpien parle