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DE L’ESPRIT DES LOIS.


noître, quand il dit que Dieu a fait les lois, selon lesquelles il a créé et conservé le monde. Mais le moment d’après il ajoute : « La création qui paroît être un acte arbitraire, suppose des règles aussi invariables que la fatalité des athées : [1] » Si la création paroît être un acte arbitraire, et qu’elle ne le soit pas ; si Dieu est nécessité à créer ; si tous les êtres ont avec lui des rapports si nécessaires, qu’il n’ait pu se dispenser de les créer, et de les créer tels qu’ils sont : voilà donc le monde nécessaire comme Dieu même ; et l’auteur a raison de soutenir que la création suppose des règles aussi invariables que la fatalité des athées : aussi l’auteur suppose-t-il partout que les hommes ont été créés avec l’ignorance et la concupiscence, sujets aux maladies et à la mort. Chez lui il n’est pas question de péché originel ; ne sachant pas comment les hommes ont été formés, il aime mieux imaginer avec les payens un temps où ils ont vécu en sauvages, que de puiser dans les livres saints ce qui y est dit de la création du premier homme, de sa chute, et des maux qu’elle a causés. M. Domat, dans son excellent Traité des Lois, prend la révélation pour guide, et plaint les payens d’avoir été privés de sa lumière (chap. I). Il pose pour fondement que l’homme a été créé pour connoître et pour aimer Dieu ; d’où il conclut que « la première loi » est celle qui prescrit à l’homme ses devoirs envers Dieu. Que l’auteur est éloigné de suivre un si beau modèle ! Il convient que la loi qui prescrit à l’homme ses devoirs envers Dieu est la plus importante ; mais il nie qu’elle soit le première. Il prétend que la première loi de la nature, c’est « la paix » ; parce que les hommes ont commencé par avoir peur les

  1. Esprit des Lois, livre I, ch. II.