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LETTRE AU P. B. J.


une obligation du droit naturel. » Jugez par là si c’est une « bonne police » que de les tuer.

Au livre XXIV, chapitre XI, on trouve que « quand la religion donne des règles, non pas pour le bien, mais pour ce qui est meilleur ; non pas pour ce qui est bon, mais pour ce qui est parfait ; il seroit convenable que ce fussent des conseils, et non pas des lois ».

Le célibat vient ici en forme d’exemple. « On en fit une loi, dit l’auteur, pour un certain ordre de gens, mais il en fallut chaque jour de nouvelles pour réduire les hommes à l’observation de celle-ci. Le législateur se fatigua : il fatigua la société pour faire exécuter aux hommes, par précepte, ce que ceux qui aiment la perfection auroient exécuté comme conseil. » Ici, mon Révérend Père, on ne prend pas garde que l’entrée « dans ce certain ordre de gens » étant tout à fait libre [1], la loi du célibat n’a point dû paraître onéreuse. C’est une condition qu’on propose à ceux qui veulent se dévouer plus particulièrement au service de l’Église. L’obligation qu’ils contractent suit la liberté de leur engagement. Elle ne « fatigue », cette obligation, que ceux qui oublient la générosité et la sainteté de leur promesse ; que ceux qui voudraient retourner en arrière, après avoir fait une démarche à laquelle personne ne les forçoit.

Il n’est pas vrai non plus que le a législateur », c’est-à-dire l’Église, se soit « fatiguée », ni qu’elle ait « fatigué » la société, en renouvelant ses ordonnances pour

  1. Montesquieu fait allusion aux couvents. Il s’en faut de beaucoup que dans notre ancienne société l’entrée au couvent fût tout à fait libre. Aucune loi n’y obligeait, sans doute, mais dans combien de familles n’y avait-il pas des religieuses, des moines, et même des prêtres sans vocation, c’est-à-dire des gens forcés de contracter un engagement perpétuel, non par choix, mais par nécessité ?