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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.

Nous l’avons pensé. Aussi donnons-nous la critique du Journal de Trévoux, ainsi que celle des Nouvelles ecclésiastiques, en y joignant la réponse que cette dernière feuille fit à la Défense de l’Esprit des Lois. Les observations du journal des jésuites (on suppose que le père Plesse en est l’auteur) sont faites avec convenance ; on y entrevoit même une certaine admiration pour Montesquieu. Quant aux Nouvelles ecclésiastiques, les articles qu’on attribue à un abbé La Roche, fort avancé dans le parti convulsionnaire, sont aigres et malveillantes ; on y sent l’âpre désir de compromettre l’auteur de l'Esprit des Lois avec les évêques, et de livrer tout au moins le livre au bras séculier. A la distance où nous sommes cette critique paraît misérable ; les contemporains n’en jugeaient pas de même. Les Nouvelles ecclésiastiques défendaient, disait-on, la religion et la morale ; cela suffisait pour remuer l’opinion et Inquiéter les bonnes âmes, qui ont toujours peur. Dans tous les temps, les hommes qui ont apporté au monde quelque vérité nouvelle ont été regardés comme suspects et dangereux. Dans tous les temps, on a pris au sérieux un certain nombre d’écrivains, à l’esprit borné et envieux, qui, sans aucun scrupule, affublent d’un manteau sacré leur prodigieuse ignorance, et de leur propre chef se déclarent les vengeurs de Dieu et de l’Église. Ils n’ont d’autre que l’injure ; qu’importe ? Pourvu qu’on fasse du bruit et qu’on batte le tambour, le gros du public se laisse aisément étourdir et suit volontiers celui qui crie le plus fort. Montesquieu ne pouvait échapper au sort commun des grands esprits. Son mérite fut d’apercevoir tout d’abord la perfidie des coups qu’on lui portait, et de se défendre avec autant d’adresse que de modération. Après tout, on a peut-être tort d’en vouloir à des hommes qui, vivant dans l’ombre du passé, se sentent troublés tout à coup par l’éclat d’une lumière nouvelle. Des préjugés sont une propriété à laquelle on ne renonce pas volontiers. L'Esprit des Lois, c’était la philosophie, c’est-à-dire la raison qui s’emparait du droit public, et qui le sécularisait. Un instinct secret disait au Nouvelliste ecclésiastique qu’il y avait là le germe d’une révolution dans les idées ; cet instinct ne le trompait pas.

A ces pièces curieuses nous en avons joint quelques autres aussi peu connues, telles que la Suite de la Défense de l’Esprit des Lois, par La Beaumelle, suite qu’on a attribuée à Montesquieu,