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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.

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En publiant un Commentaire sur quelques principales maximes de l’Esprit des Lois, Voltaire le fit précéder d’un Avant-propos, où, suivant son habitude, il égratigne à la fois ceux qu’il attaque et ceux qu’il défend.

« Montesquieu, dit-il, fut compté parmi les hommes les plus illustres du dix-huitième siècle, et cependant il ne fut pas persécuté : il ne fut qu’un peu molesté pour ses Lettres persanes, ouvrage imité du Siamois de Dufresny, et de l'Espion turc ; imitation très-supérieure aux originaux, mais au-dessous de son génie. Sa gloire fut l'Esprit des Lois [1]. Les ouvrages de Grotius et de Puffendorf n’étaient que des compilations ; celui de Montesquieu parut être celui d’un homme d’État, d’un philosophe, d’un bel esprit» d’un citoyen. Presque tous ceux qui étoient les juges naturels d’un tel livre, gens de lettres, gens de lois de tous les pays, le regardèrent, et le regardent encore comme le code de la raison et de la liberté. Mais, dans les deux sectes des jansénistes et des jésuites qui existoient encore, il se trouva des écrivains qui prétendirent se signaler contre ce livre, dans l’espérance de réussir à la faveur de son nom, comme les insectes s’attachent à la poursuite de l’homme, et se nourrissent de sa substance. Il y avoit quelques misérables profits alors à débiter des brochures théologiques, et en attaquant les philosophes. Ce fut une belle occasion pour le gazetier des Nouvelles ecclésiastiques, qui vendoit toutes les semaines l’histoire moderne des sacristains de

  1. Voltaire ne parle point de la Grandeur et de la Décadence des Romains, que, dans une lettre à Thiriot, il appelle la Décadence du Président. Malgré tout son esprit, Voltaire n’a rien compris, ou n’a rien voulu comprendre, au génie de Montesquieu.