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CHAPITRE XXI.


DU PRÊT PAR CONTRAT ET DE L’USURE
CHEZ LES ROMAINS.


Outre le prêt fait pour le commerce, il y a encore une espèce de prêt fait par un contrat civil, d’où résulte un intérêt ou usure.

Le peuple, chez les Romains, augmentant tous les jours sa puissance, les magistrats cherchèrent à le flatter et à lui faire faire les lois qui lui étoient les plus agréables. Il retrancha les capitaux [1] ; il diminua les intérêts ; il défendit d’en prendre ; il ôta les contraintes par corps ; enfin l'abolition des dettes fut mise en question toutes les fois qu’un tribun voulut se rendre populaire.

Ces continuels changements, soit par des lois, soit par des plébiscites, naturalisèrent à Rome l’usure ; car les créanciers voyant le peuple leur débiteur, leur législateur et leur juge, n’eurent plus de confiance dans les contrats. Le peuple, comme un débiteur décrédité, ne tentoit à lui prêter [2] que par de gros profits ; d’autant plus que, si les lois ne venoient que de temps en temps, les plaintes du peuple étoient continuelles et intimidoient toujours les créanciers. Cela fit que tous les moyens honnêtes de prêter

  1. Il diminua le capital à rembourser ; en d'autres termes, il autorisa la banqueroute.
  2. C'est-à-dire ne trouvoit à emprunter.