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DE L’ESPRIT DES LOIS.


le Débonnaire s’appliquera à ces sortes de gens ! « Peut-être aussi, ajoute-t-il encore [1], qu’Hébon n’avoit point été esclave dans la nation des Francs, mais dans la nation saxonne, ou dans une autre nation germanique, où les citoyens étoient divisés en plusieurs ordres. » Donc, à cause du peut-être de M. l’abbé Dubos, il n’y aura point eu de noblesse dans la nation des Francs. Mais il n’a jamais plus mal appliqué de peut-être. On vient de voir que Tégan [2] distingue les évéques qui avoient été opposés à Louis le Débonnaire, dont les uns avoient été serfs, et les autres étaient d’une nation Barbare. Hébon étoit des premiers, et non pas des seconds. D’ailleurs, je ne sais comment on peut dire qu’un serf tel qu’Hébon auroit été Saxon ou Germain : un serf n’a point de famille, ni par conséquent de nation. Louis le Débonnaire affranchit Hébon ; et, comme les serfs affranchis prenoient la loi de leur maître, Hébon devint Franc, et non pas Saxon ou Germain.

Je viens d’attaquer, il faut que je me défende. On me dira que le corps des antrustions formoit bien dans l’État un ordre distingué de celui des hommes libres ; mais que, comme les fiefs furent d’abord amovibles, et ensuite à vie, cela ne pouvoit pas former une noblesse d’origine, puisque les prérogatives n’ étoient point attachées à un fief héréditaire. C’est cette objection qui a sans doute fait penser à M. de Valois qu’il n’y avoit qu’un seul ordre de citoyens chez les Francs : sentiment que M. l’abbé Dubos a pris de lui, et qu’il a seulement gâté à force de mauvaises preuves. Quoi qu’il en soit, ce n’est point M. l’abbé Dubos

  1. Dubos. Ibid. (M.)
  2. Omnes episcopi molesti fuerunt Ludovico, et maxime ii quos e servili conditione honoratos habebat, cum his qui ex barbaris nationibus ad hoc fastigium perducii sunt. De gestis Ludovici Pil, ch. XLII et XLVI. (M.)